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Assemble soutient l’association Les Nouvelles Voix
En octobre dernier, nous avons participé aux Rencontres pour la Planète 2024 organisées par le collectif 1% for the Planet France, dont nous sommes membres. C’est là que nous avons rencontré et décidé de soutenir l’association Les Nouvelles Voix, qui identifie des acteurs et actrices de terrain engagés pour la transition écologique et sociale et les accompagne afin d’amplifier leur visibilité, leur rayonnement dans l’espace public et leur réseau. Rencontre avec Julie Hamaïde, directrice de l’association.
Quelle est la mission de l’association Les Nouvelles Voix en quelques mots ?
Notre initiative a été lancée en 2021 pour faire émerger de nouveaux visages et de nouveaux récits dans les médias avec un but : incarner et accompagner la transition écologique et sociale. Nous repérons des personnes de la société civile, de tous horizons, de toutes professions, de tous les territoires, en métropole et outre-mer, et nous leur proposons un programme de plusieurs mois, encadré par des professionnels de la communication et des journalistes. Le but est de leur donner les clés pour partager leur expérience auprès du grand public et que les Français se sentent mieux représentés dans les médias. Nous en sommes aujourd’hui à la troisième promotion avec, en tout, 34 nouvelles voix ayant suivi notre programme.
Pourquoi cette mission ?
Nous sommes partis du constat que c’était souvent les mêmes personnes qui prenaient la parole sur les questions de transition écologique et sociale, avec des profils assez similaires. Par ailleurs, les études montrent que les Français ne se sentent pas concernés par ces sujets de transition car les messagers ne leur ressemblent pas. Ils sont plutôt citadins, portent souvent des messages de restrictions ou d’interdiction alors que de nombreuses solutions existent. Mais ces solutions, qui sont mises en œuvre par des Français au quotidien dans leur métier ou leur engagement citoyen, ne sont pas suffisamment mises en avant.
Des projets positifs pour la transition écologique et sociale, il y en a des milliers. Tous aussi géniaux les uns que les autres. Pour les mettre en avant, nous avons fait le choix d’aller chercher de nouveaux messagers, des “nouvelles voix”. Ce sont des personnalités dans lesquelles se reconnaître, représentant la diversité de la population française. Nous partons du principe que s’ils avaient plus de place pour s’exprimer, s’ils étaient plus visibles dans les médias, ce qu’ils font au quotidien paraîtrait à la portée des autres.
Qui sont les nouvelles voix que vous accompagnez et comment les identifiez-vous ?
Ce sont des personnes de la société civile. Ils et elles viennent d’endroits aussi divers que Creil, Cayenne, Toulouse, Reims, Rennes, ou encore de banlieue parisienne. Ils et elles sont berger, travailleur social, femme issue d’un quartier populaire, agricultrice… Et tous à leur manière, à leur échelle, œuvrent pour la transition écologique et sociale.
Nous identifions des gens qui ne cherchent pas la lumière mais qui sont ancrés dans leur territoire et dont on se dit “mais pourquoi on ne les entend pas ?”. Pour prendre un exemple concret, il n’y a pas meilleur qu’un agriculteur pour parler aux agriculteurs. Aux yeux d’un autre, il est le plus légitime pour parler par exemple de son passage en agriculture biologique, avec ses réussites et ses obstacles, et il sera mieux écouté.
Ces nouvelles voix, nous les recherchons par un travail de longue haleine, lors de forums, de conférences, en sollicitant nos partenaires… Pour ma part, je passe généralement mon été à aller à leur rencontre pour la promotion de la rentrée. L’an dernier, sur les 80 profils que nous avions identifiés directement ou qui nous avaient été recommandés, nous avons constitué une promotion de 10 personnes.
Nous ne prenons pas de candidatures spontanées car nous voulons éviter d’attirer des personnes qui voudraient aller dans les médias avec un intérêt différent du nôtre. Lorsque l’on contacte les personnes repérées, certaines sont enthousiastes dès le départ mais beaucoup sont très surprises et réticentes, au premier abord, à rejoindre notre programme. Au final, ce sont souvent celles et ceux qui commencent par nous dire qu’ils n’ont pas le temps, pas besoin des médias, ou qu’ils ne sauront pas faire qui m’intéressent le plus. Car ce sont souvent les plus impliqués dans ce qu’ils font, ceux qui ont le moins d’ego et ne cherchent pas leur propre intérêt. Mon travail est alors de les rassurer et de les réconforter dans la relation qui peut être instaurée avec les médias.
Comment les accompagnez-vous ensuite concrètement ?
Parce que ces nouvelles voix viennent de tout le territoire, y compris des outre-mer (au moins une personne par promotion), nous commençons toujours par organiser un séminaire de lancement en présentiel. C’est l’occasion de se rencontrer, de discuter des liens et des rapports qu’ils entretiennent avec les médias : leurs points de vue, leur consommation de médias, leurs besoins… Ces deux jours sont très importants parce qu’ils rencontrent toute l’équipe et créent du lien entre eux, au cours d’ateliers mais aussi dans des moments informels. Ce sont de vrais moments de partage, d’échange, de curiosité…
Ce séminaire de lancement est primordial pour la suite, pour la cohésion et parce qu’il leur permet de s’engager dans le programme qui dure ensuite 8 mois et qu’ils suivent en plus de leur emploi, de leur action associative, de leur vie de famille…
Ensuite, ces 8 mois sont jalonnés de sessions régulières en ligne, à un rythme soutenu, avec des intervenants tels que des journalistes, des experts de la communication, des personnes qui travaillent en politique, des militants ou des personnes simplement engagées qui partagent leur expérience.
En parallèle, nous avons une personne qui est en contact avec les médias et qui est chargée d’accroître leur visibilité. Elle répond aux demandes des médias qui ont besoin de ces nouveaux profils diversifiés pour montrer des initiatives qui fonctionnent. On fait aussi de la pédagogie auprès d’eux et ils sont très preneurs qu’on leur montre une autre réalité. Les journalistes ont besoin de sujets tous les jours, ils ont besoin d’écrire quotidiennement sur ce qu’il se passe sur le territoire et ils ont un appétit pour ça.
Quelle est votre ambition avec Les Nouvelles Voix ?
Notre ambition pour les personnes qui suivent notre programme est qu’elles se sentent à leur place dans les médias. Qu’elles connaissent les règles du jeu et soient suffisamment à l’aise pour parler de leur engagement, voire même qu’elles y prennent plaisir.
Et notre ambition à nous, c’est bien sûr d’augmenter leur visibilité. Pour que toutes ces voix diverses suscitent quelque chose chez les gens derrière leur écran de l’ordre du “Tiens, quelqu’un qui parle comme moi, qui vient d’un endroit qui ressemble au mien, qui agit, qui fait des choses chouettes. S’il peut faire ça, je peux peut-être le faire aussi”. Le but est d’inspirer et de pousser d’autres à l’action. Par exemple, lorsque Yamina Aïssa Abdi, figure de l’engagement à Toulouse, parle dans les médias de la cantine de quartier saine, durable et solidaire qu’elle co-fonde dans un quartier populaire de Toulouse, notre ambition c’est que d’autres se disent en l’écoutant “avec mon association on pourrait reprendre l’idée”.
Quand les choses sont faites par et pour les habitants, par des gens impliqués sur leur territoire et dans leur communauté, ça change tout dans le regard des autres, leur capacité à s’identifier et se projeter. Je vous donne un autre exemple : celui de Raphaëlle Rinaldo. Elle est la seule Guyanaise dirigeant une association de protection de la biodiversité en Guyane – SEPANGUY, qui est la plus ancienne association écologique de la région. Dans un contexte où l’on parachute souvent des gens dans les territoires ultramarins en négligeant de solliciter les locaux, sa voix mérite d’être entendue et a une portée importante.
Nous avons fait connaissance aux Rencontres pour la Planète organisées par 1% for the Planet France, que vous a apporté cette expérience et ce contact avec des mécènes ?
Personnellement, je suis journaliste et je ne viens pas du milieu associatif. C’est donc un univers que je découvre et je me rends compte qu’il y a beaucoup de mécènes et que le milieu philanthropique est large mais finalement assez peu visible. Quand on est une association, il est difficile de savoir ce qui existe, ce qui correspond à nos valeurs et nos besoins. Tout cela était assez opaque pour moi au début mais, de contact en contact, j’ai pu apprendre à mieux connaître ce milieu.
Nous avons eu la chance d’être retenus pour les Rencontres pour la planète 2024 et cela a été un tournant pour nous. Cela nous a permis de remplir un seul dossier puis de pitcher devant une centaine de personnes ciblées, intéressées par les sujets liés à l’environnement et venues précisément pour écouter les associations. Nous avons pu toucher tout un réseau et rencontrer des fondations ou des entreprises, comme Assemble, qui nous ont partagé leur enthousiasme pour notre projet. Cela fait beaucoup de bien parce qu’on met beaucoup d’énergie dans ce que l’on fait et cela remet un peu d’électricité dans le moteur.
On a besoin de ça et on a besoin de ces soutiens, de mises en relation, de mécénat financier mais aussi de compétences… Les mécènes et autres partenaires qui nous accompagnent sont une ressource immense de profils, avec lesquels on échange, qui nous challengent sur le long terme, qui nous stimulent et nous permettent de sortir de l’isolement de la petite structure.